J.League Legends #1 : Ruy Ramos


Si vous avez déjà vu des images des premières années de la J.League, vous avez sûrement déjà remarqué cette tignasse, cette barbe, cette grande carcasse qui fait figure d'ogre dans un football japonais qui commence à se professionnaliser. Ce joueur au maillot vert, c'est l'une des plus grandes stars du football nippon des années 80 et 90. Il était tellement au-dessus du lot que sans le moindre effort il surpassait la plupart de ses adversaires. Focus sur Ruy Ramos, l'une des légendes qui permettèrent d'initier la rencontre entre soccer japonais et fútbol brésilien.

Ruy Ramos dans les années 80

Né le 9 février 1957 dans les montagnes à 80 km de Rio de Janeiro, Ruy Ramos grandit avec le football, comme tous les petits brésiliens. Son père, qui lui transmet la passion pour ce sport sacré, meurt en 1969, alors que le petit Ruy n'a que douze ans. Suite à ce tragique événement, il part rejoindre la famille de sa mère à Sao Paulo où il fait son lycée. Il ne vit que pour le football, ses camarades et sa famille le considèrent comme un fanatique, si bien qu'il rejoint l'équipe première du Saad Esporte Clube.

En 1977, peu avant ses vingt ans, il rencontre un homme qui va changer le cours de sa vie : George Yonashiro.

George Yonashiro

Yonashiro, un Nikkei (brésilien d'origine japonaise) originaire de Sao Paulo qui a joué toute sa carrière milieu de terrain au Yomiuri FC au Japon (92 buts en 239 rencontres de 1972 à 1986), profite alors d'une tournée de son équipe au pays de la samba pour faire du scouting et recruter des joueurs pour son club. Il repère Ramos et contacte son grand frère Bimba pour lui évoquer l'idée d'évoluer au Japon. Ils réussissent à convaincre leur mère de le laisser partir, les finances de la famille étant au plus bas.

À son arrivée, il avait pour objectif de gagner rapidement de l'argent afin de subvenir aux besoins de sa famille mais, une règle l'obligeant d'attendre six mois avant de jouer, il fut vite pris de mal du pays et passa ses journées à pleurer dans sa chambre d'hôtel. Heureusement, il fut pris en main par deux autres joueurs brésiliens du coin, Ademar Pereira Marinho et Carvalho, qui jouaient pour le club rival Fujita Kogyo SC. Ils lui firent découvrir les réjouissances des quartiers d'Akasaka et de Roppongi, ce qui le convainquit de rester.

Le 10 octobre de cette même année, la légende commence : Ruy Ramos, surnommé alors Enpitsu ("crayon" en japonais, du fait de sa silhouette longiligne), fait sa première apparition sous le maillot vert.

Ruy Ramos (droite) en 1977

Trois mois plus tard, le 14 janvier 1978, arriva un événement qui participa grandement à la fondation du mythe autour du joueur : lors d'un match Nissan Motors FC au stage Nishigaoka, il prend un carton rouge pour une faute qu'il a commise. Voyant que le joueur à terre rit en simulant une douleur, Ramos se met à le pourchasser tout autour du terrain, ce qui lui causa une suspension d'un an.

Le 1er avril 1979 il fait son retour sur le terrain face au club de Furukawa Electric Co., Ltd. Il peut enfin illuminer le football japonais de toute sa classe : lors de sa première véritable saison avec le Yomiuri FC, il marqua 14 buts en 15 matchs, dont deux triplés lors de deux matchs consécutifs dès son retour de suspension, et offrit 7 passes décisives à ses coéquipiers. Il était décidément trop fort.


Sa légende de surhomme continue de prendre de l'épaisseur lorsque le 2 août 1981 il est victime d'un accident de moto qui causa une fracture ouverte de son tibia gauche. Après trois mois à insulter tout le monde à l'hôpital en portugais, il en sort plus fort et reprend sa carrière, mais il lui faut attendre un an pour redevenir le monstre qu'il était, avec 10 buts en 14 matchs en 1983.

Rebelote le 3 novembre 1984, lors de la rencontre face au club de Furukawa Electric Co., Ltd., une bagarre éclate entre les deux équipes. Évidemment, Ramos y participe avec délectation et, alors que les autres joueurs n'écopent que d'une suspension de deux matchs, lui est suspendu quatre mois ! Selon certaines rumeurs, c'est parce que la fédération japonaise et les autres équipes du championnat, qui à l'époque n'étaient que des équipes d'entreprise, ne manquaient pas une occasion pour s'attaquer au Yomiuri Club, qui lui s'orientait vers le football professionnel. Et évidemment, c'est Ramos qui en subit les conséquences !

À l'époque, l'équipe nationale du Japon était composée à moitié de joueurs du Yomiuri FC. Lors de la Coupe Kirin de 1985 à laquelle participe son club ainsi que d'autres équipes, dont l'équipe nationale du Japon, un match entre les deux a lieu. Le club de Kawasaki remporte la victoire face à une équipe sans ses meilleurs joueurs, qui étaient dans le camp d'en face !

Les règles de la Japan Soccer League imposaient trois joueurs étrangers maximum, mais le Yomiuri SC en avait quatre ! Ainsi, comme Ramos était dans le pays depuis plus de dix ans et qu'il avait épousé une japonaise, il cochait toutes les conditions pour demander la nationalité ! Le 22 novembre 1989, après une procédure qui dura quinze mois, il en enfin naturalisé japonais : à lui la sélection nationale, à trente-deux ans ! Sur ses papiers d'identité, pour faire japonais, il est indiqué "Rui" dans la case du prénom, pour faire plus local !

Ramos Rui sous la tunique des Samurai Blue

En 1986, il fit la rencontre Dino Sani, champion du monde brésilien de 1958, qui le fit reculer sur le terrain afin de remplacer George Yonashiro, l'ancien meneur de jeu de l'équipe, qui venait de prendre sa retraite. Ainsi débuta pour lui une nouvelle carrière et il en profita pour prendre le numéro 10 !

Ruy et ses boyz

Puis le reste appartient à l'histoire : le club remporta la Coupe d'Asie des clubs champions en 1987, Kazuyoshi Miura fit son arrivée en 1990 et c'est ensemble qu'il vont marquer de manière tonitruante l'arrivée de la J.League en 1993, en remportant les deux premières éditions.

Les deux meilleurs joueurs du championnats prêts à prendre ce coup franc, il y a de quoi avoir peur

Il joua au Verdy Kawasaki (nouveau nom du club adopté en 1993) jusqu'à sa retraite le 14 novembre 1998, même s'il le quitta un an, de mi-1996 à mi-1997, lorsque Émerson Leão, qui l'avait critiqué par le passé, fut nommé entraîneur du club. Il rejoint alors le Kyoto Purple Sanga mais fait son retour dès que le coach démissionne.

Rare photo de Ramos sous le maillot d'un autre club

Au final, Ruy Ramos au Yomiuri FC/Verdy Kawasaki, c'est 423 matchs et 92 buts, une Coupe d'Asie des clubs champions (1987), sept championnats du Japon (1983, 1984, 1986-87, 1990-01, 1991-92, 1993, 1994), trois Coupes de l'Empereur (1984, 1986, 1987), six coupes de la JSL/J.League (1979, 1985, 1991, 1992, 1993, 1994), trois Supercoupes du Japon (1984, 1994, 1995), une Coupe Konica (1990) et une Coupe Sanwa Bank (1994). Avec l'équipe nationale du Japon, il participe à 32 rencontres pour un but marqué et remporte une Coupe d'Asie des nations (1992), une Kirin Cup (1991), une Coupe Afro-asiatique des nations (1993) et une Dynasty Cup (1992).

Il fut le plus vieux joueur à jouer en J.League jusqu'en 2009, lorsque Masashi Nakayama dépasse son record qui était de 41 ans, 9 mois et 5 jours. Il remporte deux fois le trophée de meilleur joueur du Japon (1990 et 1991), deux fois le titre de meilleur buteur du championnat (1979 et 1983) et trois fois le titre de meilleur passeur (1979, 1991 et 1992). Il est également huit fois dans le meilleur onze du championnat (1979, 1983, 1987, 1990, 1991, 1992, 1993 et 1994).

Après sa carrière de joueur, il entraîna l'équipe de Japon de beach soccer en 2005, de 2009 à 2013 puis de 2018 à fin 2019 (pour deux titres de champion d'Asie en 2009 et 2011), ainsi que le Tokyo Verdy lors de la saison 2006-2007 (le club était alors en J2 League et il réussit à les faire remonter en J1) et le FC Gifu de 2014 à 2016.

Le boss du beach soccer

Depuis sa retraite sportive, il est devenu consultant à la télévision et reste présent dans le paysage médiatique japonais.

Ruy Ramos en 2022

Ruy Ramos, un mythe, une légende qui était plus forte que les autres à une époque où le football japonais était en construction. Il était tellement fort que malgré les coups d'arrêt importants (il a perdu deux années en début de carrière entre les longues suspensions et sa grave blessure au tibia), il a réussi à rester le meilleur jusqu'à la fin de sa carrière, à plus de quarante ans. Le talent et la nonchalance brésilienne au milieu de la rigidité japonaise.

Pour finir, voici une magnifique compilation de ses buts, de ses gestes techniques, de sa classe folle sur le terrain :



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